Le crachoir dans les cabinets dentaires : une relique du passé ?
Le crachoir suscite aujourd’hui des débats quant à son utilité et sa pertinence en pratique dentaire moderne. Afin d’assurer la sécurité du personnel dentaire et du patient ainsi que leur confort, le crachoir a-t-il encore sa place dans les cabinets dentaires ? Entre tradition et innovation, découvrez les enjeux et les implications pour les praticiens dentaires et les patients de la suppression du crachoir de l’unit dentaire.
Le crachoir : outil indispensable ou obsolète dans les cabinets dentaires ?
BREVE HISTOIRE DU CRACHOIR
Le premier crachoir conçu pour un usage dentaire a été enregistré à Paris en 1828. Les crachoirs n’étaient alors que de simples conteneurs avec une ouverture en forme d’entonnoir. C’est la SS White Co qui a été la première société à fabriquer un crachoir autonome dans les années 1860. Dans les années 1920, le crachoir est intégré à l’unit dentaire Ritter. En 1969, Coburn repense complètement l’unit dentaire et il invente un dispositif d’aspiration à grande vitesse pour remplacer le crachoir.
LE CRACHOIR : UNE QUESTION D’HABITUDE ?
Une étude menée en 2014 auprès de 188 praticiens volontaires révèle que 75 % des chirurgiens-dentistes interrogés estiment qu’un crachoir n’est pas hygiénique, mais 59 % l’utilisent encore et la même proportion aimerait s’en passer. Il n’est pas facile de changer ses pratiques. La force de l’habitude est alors probablement la raison majeure du maintien du crachoir dans les cabinets dentaires.
Notons que la dimension psychologique du crachoir peut être importante pour le patient. En effet, celui-ci, qui est en position allongée sur le fauteuil, la bouche ouverte, a besoin de faire des pauses au cours du soin pour se détendre et communiquer avec le praticien. Le crachoir présente alors cet avantage de contribuer au bien-être du patient.
Pourquoi supprimer le crachoir de l’unit dentaire ?
Le crachoir pose un certain nombre de problèmes qui remettent en cause sa présence au sein de l’unit dentaire.
L’HYGIENE
La technique du « rinçage et crache » mais aussi la possibilité que le patient crache à côté du crachoir, sur le sol, sur le fauteuil ou sur le personnel dentaire, font du crachoir l’une des zones les plus contaminées de l’unit dentaire. Le risque potentiel de contamination croisée est alors majoré.
LA PERTE DE TEMPS ET D’EFFICACITE
Le crachoir, par sa position et ses dimensions, occupe de l’espace au niveau de l’unit dentaire obligeant le chirurgien-dentiste à ajuster sa position de travail pour atteindre et manipuler le crachoir pendant l’acte dentaire et à repositionner le patient après chaque interruption du soin. Ces limitations ergonomiques et ces manipulations constituent pour le praticien une perte de temps et d’efficacité non négligeable et peuvent provoquer fatigue et tensions musculaires.
90 secondes, c’est le temps estimé pour arrêter la procédure dentaire, laisser le patient se rincer la bouche et retourner au traitement. En prenant en compte le nombre de patients vus chaque jour et le nombre de jours de consultation par an, il est facile de calculer le temps perdu sur une année par un praticien dentaire qui utilise le crachoir. Entre chaque patient, le nettoyage correct du crachoir prend également beaucoup de temps.
L’ENTRETIEN ET LA MAINTENANCE
Le crachoir, conçu pour recueillir les débris dentaires et la salive, nécessite un entretien fréquent et rigoureux ainsi qu’une maintenance régulière qui prennent du temps. Les pièces de rechange, les consommables et les coûts de service peuvent représenter un coût important. De plus, l’utilisation de produits chimiques pour le nettoyage et la désinfection du crachoir peut avoir un impact sur l’environnement en termes de déchets et de pollution.
LE CONFORT ET L’INTIMITE DU PATIENT
L’utilisation du crachoir est parfois jugée inconfortable ou embarrassante par les patients. Certains peuvent effectivement être gênés par le fait de cracher en présence du personnel dentaire.
Travailler sans crachoir : vers une ère nouvelle
Dans un contexte d’évolutions considérables des techniques et des normes d’hygiène, la modernisation de la clinique dentaire devient incontournable et offre des avantages indéniables.
REDUCTION DU RISQUE DE CONTAMINATION CROISEE
Le crachoir est un vecteur potentiel de transmission d’infections entre patients, et entre patients et personnel dentaire. Sa suppression contribue à la réduction du risque de contamination croisée et simplifie les opérations de nettoyage et de désinfection.
OPTIMISATION DE L’ESPACE ET DE L’ERGONOMIE
L’élimination du crachoir améliore l’ergonomie du poste de travail pour l’ensemble de l’équipe dentaire en supprimant les mouvements inutiles. Une plus grande flexibilité de l’unit dentaire est également possible avec par exemple, le changement des points d’accès des patients, une conversion gauche-droite plus aisée pour les chirurgies partagées et la possibilité de créer un plus grand espace de travail pour l’assistant/e dentaire.
OPPORTUNITES D’INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
Des technologies alternatives sont à la disposition des chirurgiens-dentistes et contribuent à améliorer la qualité des soins.
Les systèmes d’aspiration à haute vélocité dite “aspiration chirurgicale” permettent non seulement d’aspirer tous les fluides et les débris de soins présents dans la cavité buccale du patient mais aussi de réduire la quantité de projections et d’aérosols émis dans l’air par les porte-instruments dynamiques. Cette technique présente en outre l’avantage de limiter la diffusion de microorganismes par voie aérienne.
Le travail sous digue est rendu possible par l’absence du crachoir. La digue est le meilleur moyen d’isolation d’une ou plusieurs dents notamment lors de soins endodontiques et de collages. Cela permet au praticien dentaire d’éviter la contamination du champ opératoire par les bactéries, l’humidité, la salive ou le sang et de travailler sans être gêné par la langue du patient.
UNE MEILLEURE EXPERIENCE PATIENT
L’absence de crachoir contribue à améliorer le confort et l’intimité du patient. L’espace autour du fauteuil dentaire est plus aéré et le patient peut alors se sentir moins intimidé et plus détendu pendant les soins.
Pour les patients qui sont surpris ou regrettent le crachoir, une bonne communication devrait suffire à les rassurer. Le praticien peut présenter la chose ainsi : “Monsieur Dupont, vous ne connaissez pas encore notre nouveau fauteuil. Ne soyez pas surpris, mais le crachoir a été supprimé pour des questions d’hygiène. Mais rassurez-vous, pour votre confort, vous pourrez tout de même vous rincer la bouche après le soin dans la salle réservée à cet effet (ou le lavabo à votre disposition).
ÉCONOMIE DE COUTS LIES A LA MAINTENANCE ET A L’EQUIPEMENT
Opter pour un unit dentaire sans crachoir permet de réaliser des économies à long terme. En effet, les coûts liés à l’achat du crachoir, à son entretien et à sa maintenance sont supprimés et s’accompagnent d’un impact favorable sur l’environnement. Finalement, à l’ère de la technologie, des pratiques médicales en constante évolution et des défis sanitaires, le moment n’est-il pas venu de remplacer le crachoir traditionnel par des solutions plus modernes et innovantes ?
La réduction du risque de contamination, l’organisation d’un environnement de travail pratique et ergonomique, une efficacité et une rentabilité accrues, le confort et le bien-être du patient améliorés et l’impact positif sur le plan environnemental sont des arguments majeurs en faveur de la suppression du crachoir dans les cabinets dentaires.
Sources :
- Crachoir ou pas ? Paru dans l’information dentaire (page 30-31), publié le (13/05/2015)
- Nield, H. A short history of infection control in dentistry. BDJ Team 7, 12–15, publié le (12/15/2020)
- The Humble Spittoon And…rinse!
- Nick Olive Why I think the world is rejecting the dental spittoon, publié le ( 19/08/2021)
- Enquête sur les conditions de travail des praticiens dentaires, (15/02/2015)
- 7 Things Dental Hygienists Are Thankful For, (18/11/2021)
- Coburn’s Laws of Ergonomics: How UofT alumn Dr. Don Coburn altered the design of dental practice
- COVID-19: À quoi devons-nous réfléchir à l’avenir pour nos cabinets dentaires ? (02/2020)